[Usbek & Rica] De la série Chernobyl à la COP25, le déni paralyse l’action – Geneviève Férone

Malgré les alertes des scientifiques, malgré les COP, les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint, en 2018, un record. Alors […]
6 décembre 2019

Malgré les alertes des scientifiques, malgré les COP, les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint, en 2018, un record. Alors que s’est ouverte le 2 décembre à Madrid la COP25, Geneviève Férone-Creuzet, co-fondatrice et associée de Prophil, propose ci-dessous un parallèle avec la catastrophe de Chernobyl au cours de laquelle la parole des scientifiques a été niée.

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La formidable série Chernobyl, produite par HBO en 2019, est une fiction historique qui revient sur une catastrophe majeure : l’explosion d’un réacteur nucléaire en Union Soviétique en avril 1986. En seulement un mois, la magnitude de cataclysme a failli précipiter une bonne partie de l’Europe de l’Est au fond du précipice. Que s’est-il passé exactement cette nuit-là de l’autre côté du rideau de fer ? Quel concours de circonstances et quel enchaînement d’erreurs tragiques ont-ils rendu possible l’impensable ?

Au-delà de l’effroi et de la sidération, se dessine une série de dysfonctionnements combinant mensonges d’Etat, petitesses bureaucratiques, défaillances techniques, ignorance et bêtise humaine. Les effets sont dévastateurs pour les hommes sacrifiés sur le front de l’incendie, les populations et le territoire totalement contaminés. Dans cette mise en abîme vertigineuse, c’est surtout la place des scientifiques qui nous interroge. Leur parole est niée, bafouée, mutilée. La science doit être au service de l’idéologie et non de la vérité. Circulez, il n’y a rien à débattre. Pourtant, après Chernobyl rien ne sera comme avant et Gorbatchev avait lui-même reconnu que cet accident avait accéléré la chute de l‘Union soviétique.

Difficile en cette veille de COP 25, de ne pas faire le parallèle avec le changement climatique qui questionne au présent et de façon aigue notre potentiel d’auto-destruction. Si la catastrophe de Chernobyl était circonscrite dans l’espace mobilisant des moyens exorbitants dans un laps de temps resserré, le changement climatique est la chronique d’une catastrophe au ralenti qui concerne l’intégralité de la planète et de ses habitants, à l’échelle du siècle.

Les mêmes mécanismes sont à l‘œuvre. Déni, inertie, indécision politique, incapacité à prendre la mesure de la gravité, suspicion à l’égard des scientifiques et des trouble-fête. Verrous idéologiques, égoïsme rationnel, absence de courage et de lucidité à tous les étages paralysent l’action et retardent la mobilisation générale.

Quelles que soient nos croyances, le changement climatique balaiera nos vies et notre planète. Nous sommes à la fois les acteurs et les victimes de ce drame, marqués par le sceau de l’impuissance. Qu’avons-nous donc de plus à perdre ?

Pour l’heure nous ressemblons étrangement à ces habitants de Pripyat réveillés par l’explosion et qui contemplent insouciants l’incendie du réacteur, ignorants des particules radioactives qui dansent autour d’eux dans un halo crépusculaire.

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