Tendance Prophil et Sparknews ont présenté, dans la soirée de jeudi 28 novembre 2018, les résultats de leur étude sur les nouveaux modèles de performances des entreprises. Un bilan mitigé mais encourageant.
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Le cabinet de conseil Prophil et Sparknews, qui se dédie à la transformation positive des entreprises, se sont joints à des experts scientifiques pour réaliser leur étude « Les nouveaux modèles de performance : enquête sur les entreprises contributives auprès des dirigeants du SBF 120 » en partenariat avec le cabinet Wavestone. Avec l’objectif de déceler les principaux leviers de transformation des sociétés et surtout de faire la distinction entre les mesures réellement utiles à cette démarche et celles qui sont plus de l’ordre de la profession de foi.
L’enquête présentée, dans la soirée du 28 novembre 2018, au siège du groupe « Les Echos » – qui met en avant le concept d’« entreprise contributive » – appelle à une nécessité de changement de paradigme. Il va s’agir de passer d’une logique de responsabilité à une autre dite de « contribution ». C’est donc la question de l’utilité qui est en jeu. Les résultats de l’étude soulignent en effet une « difficulté pour les entreprises à dépasser le cadre de la ‘responsabilité’ […] pour tendre vers la production de biens/services véritablement ‘contributifs’ au bien commun. », expliquent Geneviève Férone, cofondatrice de Prophil et Sandra de Bailliencourt, directrice générale de Sparknews. Néanmoins, deux piliers de transformation sont identifiés : un questionnement autour de la raison d’être de l’entreprise(encouragé par la loi Pacte ) et une volonté d’évolution du modèle d’affaires vers la soutenabilité et la cohérence.
C’est à partir de ces deux piliers que Prophil et Sparknews font ressortir cinq leviers à maximiser afin de contribuer réellement au bien commun.« La transformation aujourd’hui est une opportunité qu’il faut saisir et cela a été identifié par une majorité des entreprises mais nous restons encore loin de vrais changements », affirme Anne-Lise Bance, directrice adjointe chez Prophil.
1. L’importance de la raison d’être
L’utilité n’est pas encore au rendez-vous pour beaucoup d’entreprises. L’enquête a en effet relevé, chez les sociétés sondées, des missions plutôt génériques et pas véritablement en faveur du bien commun. Mais il faut rester positif et on observe quelques exemples de secteurs pionniers dans cette transformation : l’agroalimentaire, la mobilité et l’énergie qui semblent se réinterroger en profondeur sur leur raison d’être. Carrefour par exemple, avec Act For Food s’est radicalement repositionné en s’engageant via des actions concrètes dans le combat contre le gaspillage alimentaire, l’emballage, la transparence ou encore l’accès au bio. Tous ces secteurs sont stimulés par des consommateurs de plus en plus défiants et en quête de transparence. Une avancée partielle donc, mais présente. 58 % des entreprises font explicitement mention de leurs objectifs de développement durable (ODD). De plus l’étude met en garde contre le « mission washing » qui ne contribue pas au bien commun et finit par attiser cette défiance des consommateurs.
2. La soutenabilité du modèle économique
Cet aspect demeure assez largement négligé par les entreprises. Seules 30 % d’entre elles ont renoncé à des produits ou activités au regard de leur impact ESG/RSE et seules 20 % s’expriment sur l’intégration des critères ESG dans leurs opérations de fusions et acquisitions (M&A). Se lancer dans un projet de soutenabilité n’est bien sûr pas évident : cela demande une volonté de prendre des risques et est sujet à un biais sectoriel avéré. On décèle néanmoins une démarche d’amélioration : 60 % des entreprises qui ont répondu à l’enquête Prophil/Sapknews ont défini une stratégie carbone cohérente. « Mettre la mission sociétale au coeur du modèle d’affaire est une aventure périlleuse qui demande de la volonté et du courage », l’affirme l’étude.
3. Un véritable partage de la valeur
En la matière, les résultats sont mitigés. On observe des conceptions différentes du partage de la valeur selon les entreprises. Les sociétés sondées ne sont que 19 % à expliciter et à quantifier le partage de la valeur avec leurs parties prenantes. Pourtant, ce sujet est « essentiel pour une entreprise contributive qui doit prendre en compte l’intégralité de ses parties prenantes », affirme Anne-Lise Bance. On observe en effet une tendance à ne pas inclure les actionnaires au même titre que les collaborateurs dans les parties prenantes. Cela est souvent dû à la structure actionnariale qui rend la tâche plus compliquée. Il y a donc encore du travail à fournir pour promouvoir des schémas de partage de la valeur dans lesquels tout le monde peut s’identifier.
4. La transformation managériale et l’inclusion du digital
Le but est de replacer chaque individu au coeur de l’entreprise. Les deux axes les plus observés, chez les entreprises interrogées, sont ceux de la formation et les méthodes collaboratives. C’est le cas de L’Oréalet de Biomérieux qui dialoguent avec leurs fournisseurs afin de co-développer des offres plus durables et responsables.
Le programme « One Voice, One Person » de Danone, par ailleurs, a pour objectif d’engager et de responsabiliser les collaborateurs en leur permettant de faire entendre leurs idées.
Le numérique est mis au service de ces deux axes mais reste négligé en tant que vecteur de la transition écologique et de la transformation organisationnelle. Seules 20 % entreprises sondées déclarent faire usage des nouvelles technologies pour valoriser des initiatives de social business ou de philanthropie.
L’étude souligne du progrès et des expérimentations chez certaines entreprises mais pas encore de mise en place généralisée de nouveaux modèles (du type entreprises libérées, opales ou holacratie). « C’est une affaire difficile, admet Isabelle de Morand, Head of corporate operations chez Sparknews, pour cela il faut une volonté forte des cadres dirigeants ainsi qu’un fort engagement des collaborateurs. »
5. L’évolution des modèles de gouvernance
Le système de gouvernance doit aussi pouvoir agir en faveur de la la contribution sur le long terme. Or on observe un manque de convergence entre les RSE et les ISG. Les entreprises semblent avoir identifié la nécessité de prendre en compte ces sujets, mais n’agissent guère. Seulement 25 % des personnes chargées de la RSE font partie du comité exécutif (comex) des entreprises interrogées. Réinventer le dialogue avec les actionnaires s’impose pour opérer un vrai changement.
Dans certaines entreprises, cela est plus simple en raison de modèles actionnariaux particuliers – les entreprises familiales, ou encore des entreprises comme Biomérieux, détenue à 32 % par une fondation – facilitant un dialogue actionnarial approfondi. Et les choses progressent puisque 50 % des entreprises interrogées ont mis en place un comité de parties prenantes ou d’impact.
L’étude se conclut sur une note positive et insiste sur la responsabilité des entreprises à agir pour le bien commun et en faveur de la société en général. In fine, être une entreprise « contributive » implique la mise en place de missions volontaristes, une forte mobilisation des individus et une redéfinition des modèles économiques et de gouvernance.