Les trous noirs de la loi PACTE

Le futur projet de loi est déjà critiqué. La modification de la définition de l’objet social des entreprises passe mal. Article publié […]
31 mai 2018

Le futur projet de loi est déjà critiqué. La modification de la définition de l’objet social des entreprises passe mal.

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Mieux vaut tard que jamais, dit-on. En tous cas, pour les entreprises, la future loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) portée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, se fait toujours attendre. Initialement prévue pour être présenté en Conseil des ministres au printemps, le texte a été plusieurs fois reporté et devrait finalement arriver sur la table du salon Murat de l’Élysée à la mi-juin. Au menu, une ribambelle de mesures censées faciliter la vie des entrepreneurs.

En vrac, on y trouvera un guichet numérique unique pour les démarches administratives, la suppression de certains effets de seuil (à 20 salariés notamment) et toute une batterie de dispositifs très favorables aux salariés, de l’intéressement au forfait social des contrats d’épargne collectifs qui sera abaissé, en passant par la participation et une plus grande implication des forces vives dans les organes de décision de l’entreprise. « Ce texte est dans l’ensemble une bonne réforme, il semble reprendre beaucoup de propositions que nous avons suggérées au cours des ateliers préparatoires, se félicite Jean-Baptiste Danet, le président de l’association d’entrepreneurs CroissancePlus. Seul hic:  » la modification du code civil ».

La part belle aux intérêts des actionnaires

En effet, le ministre de l’Économie souhaite intégrer une mesure phare d’un rapport consacré à l’entreprise et son intérêt social, remis en mars dernier à Bercy par Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard. L’ancienne leader de la CFDT et le patron de Michelin ont porté tout en haut de leur liste de recommandations une mise à jour de la définition même de la notion de l’entreprise inscrite dans le droit français. En clair, ils prônent un grand nettoyage de l’article 1833 du code civil pour y ajouter les notions d’enjeux « sociaux et environnementaux », à côté de l’actuelle définition qui fait la part belle aux seuls intérêts des actionnaires.

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Une petite révolution. Hérité de Napoléon, le code civil a fait l’objet de nombreuses modifications au fil des années, mais pour ce qui est de cette définition, rien n’a vraiment bougé depuis plus de 200 ans. « Toute société doit avoir un objet licite et être constitué dans l’intérêt commun des associés », affirme jusqu’à présent le droit tricolore. Or, l’alinéa supplémentaire proposé serait le suivant: « La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Selon le gouvernement, la terminologie en vigueur ne correspond plus au cadre de l’entreprise d’aujourd’hui. « Pour être profitables, les entreprises ne peuvent plus se détourner des enjeux sociaux et environnementaux », expliquait même Bruno Le Maire mi-mars dans Le Monde. « Aucune société, même une société civile immobilière, ne peut faire complètement abstraction de ces enjeux », justifiaient également les auteurs du rapport.

« La fin d’un cycle RSE »

Si depuis une quinzaine d’années, le développement durable s’est largement invité à la table des conseils d’administration, la crise économique, les scandales financiers (Panama Papers, Cambridge Analytica…) et sanitaires (Mediator, Lactalis…) ont éveillé les consciences. L’entreprise de 2018 se doit d’être plus responsable vis-à-vis de la société. « En fait, nous vivons la fin d’un cycle, pense Geneviève Férone Creuzet, une des pionnières en France de la responsabilité sociale et environnementale. Même la RSE est entrée dans une spirale de défiance. La modification du code civil est une mesure intelligente, mais cela reste symbolique. On fait de l’eau tiède, on ne va pas assez loin. Il aurait fallu aller jusqu’au bout de l’idée en créant par exemple le statut d’entreprise à mission comme c’est le cas aux États-Unis. Nous avons besoin d’un nouveau statut plus protecteur afin de faire valoir la différenciation des entreprises ».

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