Pour sauver la planète, faut-il forcer les entreprises à changer de philosophie ? C’est la position de Nicolas Hulot. Le ministre de la Transition écologique a provoqué un petit séisme ce lundi en annonçant vouloir modifier « l’objet social » des entreprises pour y inclure une dimension environnementale.
L’objet social correspond, pour schématiser, à l’ADN d’une entreprise. Il est inscrit dans ses statuts et précise son ou ses activités (vente de nourriture, de meubles, gestion de patrimoine, etc) qui doivent être réalisées « dans l’intérêt commun des associés », autrement dit des actionnaires. L’atteinte de cet objectif passe par la recherche d’un profit, au bénéfice de ceux qui possèdent l’entreprise.
« C’est une mauvaise idée »
C’est cette logique que Nicolas Hulot entend bouleverser. « Nous allons faire évoluer l’objet social des entreprises qui ne peut plus être le simple profit, sans considération pour les femmes et les hommes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux » a expliqué le ministre devant les représentants… du Medef.
Son discours a été fraîchement reçu par Pierre Gattaz. « C’est une mauvaise idée au mauvais moment » a répliqué le patron des patrons ce mardi, affirmant que « les entreprises sont mobilisées naturellement » en faveur du climat, et qu’il ne servait à rien d’introduire « des contraintes supplémentaires ».
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« Faire évoluer l’objet social, ce n’est pas aller contre les actionnaires »
Pourtant, quelques entrepreneurs se sont déjà prononcés en faveur de l’évolution du rôle de l’entreprise. C’est notamment le cas du nouveau PDG de Danone, Emmanuel Faber, qui assure début novembre sur RTL « qu’une entreprise n’existe que parce qu’elle a une utilité sociale ». Autrement dit, en plus des actionnaires, la recherche du profit doit profiter aux salariés… et à l’environnement.
« Faire évoluer l’objet social, ce n’est pas aller contre les actionnaires » argumente Geneviève Ferone-Creuzet, associée du cabinet Prophil qui milite beaucoup sur ce thème. « Cela va dans le sens de l’histoire, poursuit-elle. Aux Etats-Unis, des entrepreneurs se sont engagés pour avoir le droit de créer des entreprises « à mission », qui leur permettent de se protéger contre une logique de court-terme. Ce statut leur permet par exemple de refuser la vente de leur entreprise, même à un très bon prix, si l’acheteur n’offre pas assez de garanties sur le respect de l’environnement ».
Projet de loi en 2018
Pour certains économistes, l’évolution proposée par Nicolas Hulot ne va pas assez loin. « La volonté de faire du profit va à l’encontre de l’écologie » assène Frédéric Boccara, économiste au Conseil économique, social et environnemental (Cese) et membre du PCF. « Si on veut vraiment changer les choses, il faut que les bénéfices des entreprises soient consacrés en priorité aux investissements, à la recherche, pour produire de manière plus efficace. Il faut enlever cette pression de la rentabilité » estime-t-il.
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Jusqu’où ira la modification de l’objet social ? C’est tout l’enjeu de la « mission » qui planche sur le sujet. Les parlementaires et les chefs d’entreprise qui la composent rendront leurs conclusions à Bruno Le Maire, qui les intégrera à un projet de loi en 2018.