Penser la post-croissance, c’est d’abord et avant tout opérer un travail sur soi pour se désintoxiquer du dogme de la croissance. Attention, celui-ci est retors ! Il a contaminé, voire remplacé, dans notre imaginaire collectif les idées de bien-être, de progrès, d’impact, et de réussite. Si bien que l’on a du mal à percevoir comment nous pourrions vivre sans. Il a colonisé les institutions et les structures de notre société. Si bien qu’il est devenu incontournable dans le fonctionnement de nos organisations. Un doux poison, responsable de l’effondrement de la vie sur Terre.
Comme tout sevrage, le processus débute nécessairement par la prise de conscience et l’acceptation de sa propre addiction. Le diagnostic posé, le renoncement peut démarrer. Parce que oui, sortir du dogme de la croissance, c’est renoncer aux avantages, au confort, au pouvoir, à la sécurité que la croissance peut procurer. Du moins, quand on a la chance de faire partie des privilégiés qui en récoltent les fruits. Parce que non, la croissance ne bénéficie pas à tout le monde. L’augmentation des richesses de revenus et de patrimoines est surtout, et de plus en plus, l’apanage de quelques-uns au détriment de tous les autres.
Alors, comment s’en libérer ? En opérant une rupture radicale dans notre mode de vie pour s’en extraire physiquement et socialement afin d’aller à la rencontre de celles et ceux qui vivent sans. Tissons de nouveaux liens, parlons, échangeons, partageons le quotidien de celles et ceux qui sont si différents de nous, confrontons nos idées et nos croyances. En somme, offrons-nous l’opportunité de regarder le monde sous un nouvel angle, de le sentir autrement dans notre chaire pour faire émerger un champ des possibles élargi. Développons de nouveaux goûts, suscitons d’autres envies, prenons du plaisir autrement. En bref, il paraît inévitable de se déconstruire pour se reconstruire. De mourir pour renaître.
La bonne nouvelle, c’est que ce que l’on ressent comme une contrainte et un renoncement aujourd’hui, sera demain vécu comme une libération et une évidence. Ainsi, il me semble, pourrons-nous initier la construction d’une société en post-croissance.
Convaincu que les élites ont un rôle précieux à jouer dans le bouleversement du système socio-économique, Jean-Philippe Decka est déterminé à faire école et anime notamment depuis 2020 le podcast Ozé, dans lequel il tend le micro à ceux qui, comme lui, ont fait le choix de renoncer.
https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/le-courage-de-renoncer-9782228931106