Alors que de nombreux modèles de gouvernance et de management responsables ont émergé ces dernières années, les entreprises ont parfois du mal à s’y retrouver et à décider lesquels adopter. Lors d’un séminaire RSE organisé par le syndicat Synabio qui réunissait les entreprises du secteur, jeudi 6 juin 2019, trois intervenants ont dressé un panorama des différentes philosophies, systèmes, cadres légaux et certifications existantes. L’objectif : permettre aux entreprises de s’ajuster.
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Si les entreprises de l’ESS construisent historiquement leur modèle économique autour d’ambitions sociales et environnementales, les entreprises « classiques » se questionnent de plus en plus autour de leur finalité et leur objectif. La loi Pacte — qui a inscrit la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux par les entreprises dans le code civil (lire sur AEF info) et qui prévoit de nouveaux cadres légaux — a contribué à l’essor du sujet ces derniers mois.
Le vocabulaire, lui, se diversifie : entreprise libérée, organisations opales, société à mission, B-Corp… « Il y a beaucoup de confusion autour des différents termes », note Martin Serralta, expert en prospective organisationnelle à l’Institut du futur souhaitable, lors d’un séminaire RSE organisé par Synabio, le syndicat des transformateurs et distributeurs bio, jeudi 6 juin à Nanterre. « Se repérer, c’est le moyen de savoir ce qui est le plus adapté pour votre entreprise. »
NE PAS CONFONDRE PHILOSOPHIE ET SYSTÈME
« Quand mère Teresa et le Dalaï-Lama jouent au Monopoly, la fin est toujours la même : l’un gagne, l’autre perd. Ce ne sont pas les joueurs qu’il faut changer, mais les règles du jeu », poursuit Martin Serralta. Plusieurs philosophies existent pour repenser l’entreprise d’une manière durable. Parmi elle, l’entreprise libérée (lire sur AEF info), le kaizen ou la dynamique spirale « qui ne sont pas des modes d’organisation », insiste-t-il.
Plusieurs systèmes ont été pensés pour pouvoir les appliquer, « comme le mode projet dans les années 1950 » ou « les reinventing organisations (organisations opales) ». La sociocratie et l’holacratie, plus connues, repensent l’organisation de la gouvernance. La première ne supprime pas la hiérarchie mais facilite le dialogue et la coresponsabilité entre les différents échelons hiérarchiques. La seconde attribue à chacun un rôle précis et repose « sur une relation d’équivalence au pouvoir », explique Oliver Pastor, co-fondateur de l’université du Nous.
DES NOUVEAUX CADRES LÉGAUX
« Le droit français n’est pas encore adapté à ces modèles-là », explique Anne-Lise Bance, responsable du pôle recherche de Prophil, cabinet de conseil en stratégie dédié à la convergence des modèles philanthropiques et économiques. « La représentation du droit des affaires est très pyramidale. » La loi Pacte, votée en mai, propose toutefois de nouveaux types d’entreprise. Elle instaure la société à mission, un statut « différent pour les entreprises commerciales qui agissent sur un marché concurrentiel ». « L’enjeu est de réinventer le contrat social en entreprise et d’engager les parties prenantes. »
Selon l’article 176 (lire sur AEF info), les statuts de l’entreprise doivent alors mentionner une raison d’être et définir une mission avec des objectifs sociaux et environnementaux. Un comité de mission sera chargé du suivi des objectifs et un organisme tiers indépendant devra vérifier leur mise en œuvre. Si peu de grandes entreprises semblent prêtes à franchir cette étape, la Maif a fait le premier pas, début juin, en annonçant qu’elle s’engageait dans cette voie (lire sur AEF info).
La loi Pacte met aussi en avant la fondation actionnaire. Cela permet à une fondation reconnue d’utilité publique de recevoir et détenir des actions d’une société « ayant une activité industrielle ou commerciale sans limitation de seuil de capital ou de droits de vote ». Elle peut, sous certaines conditions, contrôler la société et se prononcer sur l’approbation des comptes de la société, la distribution de ses dividendes, l’augmentation ou la réduction de son capital ainsi que sur les décisions susceptibles d’entraîner une modification de ses statuts.
« L’organisation n’appartient à personne et ne peut pas être rachetée. L’idée est de s’inscrire dans une logique de long terme », résume Anne-Lise Bance pour définir ce mode de fonctionnement hybride. D’autres possibilités légales existent déjà comme l’agrément Esus. « Il ne faut pas obligatoirement plaquer un modèle légal sur une entreprise, il y a autant de réponses que de problématiques organisationnelles », estime Martin Serralta.
CHOISIR UNE CERTIFICATION
Les entreprises peuvent aussi faire le choix de certifier leur démarche durable sans changer leurs statuts : « Les certifications sont nombreuses. Elles peuvent être sectorielles, nationales, internationales comme B-Corp, etc. À vous de trouver la plus appropriée », souligne Anne-Lise Bance.
La certification B-Corp séduit de plus en plus les grandes entreprises en France : Blédina, Nature et Découvertes, Engie Rassembleurs d’Énergies, etc. Ce label arrive d’outre-Atlantique. « Aux États-Unis, les dirigeants peuvent aller en prison s’ils ne mettent pas tout en place pour maximiser le profit de l’entreprise. Des entrepreneurs ont réussi à questionner ce modèle et se sont regroupés », commente Olivier Pastor, pour expliquer l’origine du mouvement.